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Les immigrés d'Espagne se disent harcelés par la police

AP, le 19 février 2009

Le malaise s'aggrave au sein de la très nombreuse population immigrée en Espagne. Déjà confrontés à un chômage écrasant et à un gouvernement espagnol qui cherche à renvoyer dans leur pays d'origine ceux d'entre eux qui perdent leur travail, les immigrés se plaignent d'être harcelés par des forces de l'ordre à qui l'on réclamerait désormais de faire du chiffre.

A Lavapies, l'un des quartiers les plus métissés de Madrid, où vivent de nombreux maghrébins, latino-américains, asiatiques et autres, les immigrés se plaignent de devoir constamment montrer leurs papiers pour prouver qu'ils ne sont pas clandestins.

"Ici vous ne verrez jamais un immigré sans ses papiers. Il aurait trop peur de sortir dans la rue", explique Abdel Kader, retraité marocain de 72 ans qui vit en Espagne depuis 40 ans.

"Ils me demandent mes papiers toute la journée. Au petit déjeuner, au déjeuner, au dîner. Ils nous traitent comme si nous étions des criminels", soupire Santo Aybar, un Dominicain de 33 ans.

Cette semaine, des fuites dans la presse ont déclenché un tollé et fait monter la pression, avec la publication d'un document selon lequel un commissariat de la région de Madrid aurait reçu pour consigne d'arrêter 30 clandestins par semaine.

Le ministère de l'Intérieur a démenti tout système de quotas ou d'objectif chiffré. Mais les syndicats policiers sont entrés dans la danse, se plaignant d'être poussés à faire du chiffre, d'où les arrestations "au faciès" dans les gares et aux arrêts de bus par des policiers stressés.

Le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero a lancé un programme d'aide au retour pour les immigrés ayant perdu leur emploi s'ils acceptent de repartir quelques années dans leur pays d'origine, le temps que les affaires reprennent...

Et la population étrangère se plaint d'être aujourd'hui prise pour bouc émissaire, après avoir joué un des premiers rôles dans l'impressionnante réussite économique espagnole.

En Espagne, un étranger résidant sans permis de séjour ne commet pas un crime mais plutôt un délit. Ceux que la police attrape sont fichés et peuvent être retenus 24 heures. A l'issue de cette période, un avis d'expulsion leur est remis mais, dans bien des cas, il n'est pas mis à exécution, selon Alfredo Perdiguero, porte-parole d'un syndicat de police.

La lune de miel est décidément bien finie entre l'Espagne et ses immigrés. Et les choses ont changé très vite. Il y a deux ans encore, l'économie espagnole toujours à l'heure du "boom" comptait sur eux pour faire tourner un secteur immobilier en expansion. Mais depuis, cette "bulle" a explosé, l'Espagne est entrée dans une spirale de récession, et le chômage atteint 13,9% de la population (près de 22% dans la population étrangère).

Devenue terre d'immigration et très demandeuse dans les années 80, l'Espagne avait procédé à partir des années 90 à plusieurs vagues de régularisations massives pour ses travailleurs immigrés.

L'Espagne compte aujourd'hui une population immigrée ou issue de l'immigration de cinq millions, soit 11% de la population totale, les Marocains étant les plus nombreux. Et la politique d'accueil a également provoqué un afflux de clandestins, l'Espagne étant en outre pays de transit vers le reste de l'Europe.

Devant les députés, mardi, le ministre de l'Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba a démenti toute consigne écrite ou orale de ce type visant les sans-papiers de manière générale: "le principal objectif de la politique d'expulsion du ministère n'est rien d'autre que de se concentrer sur les étrangers, légaux ou clandestins, qui commettent des crimes en Espagne", a-t-il déclaré.

Mais à Lavapies, il n'a guère convaincu. "Il y a eu beaucoup de policiers ici ces derniers mois. Mais quand la presse en parle, ils nous laissent tranquilles pendant quelques jours", explique Ahmed Alimi, un Marocain de 48 ans installé à Lavapies depuis 20 ans.

 

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