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  Afrique du Sud : des milliers d'étrangers fuient les attaques racistes

AFP, le 19 mai 2008
   


JOHANNESBURG - Des milliers d'immigrés, en particulier des Zimbabwéens, fuient leurs maisons dans les townships de Johannesburg après des attaques xénophobes qui ont gagné les quartiers pauvres du centre-ville, faisant au moins 22 morts depuis une semaine.

Des bandes de Sud-Africains écument les anciens ghettos noirs et zones défavorisées de la capitale économique du pays. Munis de machettes et d'armes à feu, ils ont tué et blessé des étrangers, les forçant à fuir leurs masures en flammes et en immolant même certains par le feu.

Cette violence xénophobe a débuté le 11 mai dans le bidonville d'Alexandra, où deux personnes ont été tuées, et s'est étendue à d'autres ce week-end.

"Une actualisation du bilan montre que 22 personnes ont été tuées depuis le début des violences la semaine dernière et 217 ont été arrêtées", a indiqué à l'AFP le porte-parole de la police, Govindsamy Mariemuthoo.

"La nuit dernière (dimanche à lundi) a été relativement calme comparée aux précédentes. Nous avons eu quelques incidents et un meurtre a été signalé à Alexandra", a ajouté M. Mariemuthoo.

A Reiger Park, dans la banlieue d'East Rand, la violence a cependant repris lundi, avec des habitants forcés de quitter leur maisons incendiées. Près d'une cabane, un homme gisait, en sang, marqué de brûlures.

Une épaisse fumée a recouvert la zone toute la journée et les hélicoptères de la police scrutaient les rues à la recherche de nouveaux corps.

Un autre corps a été découvert. "Il a été tailladé et brûlé", a dit un policier montant la garde auprès du cadavre, ajoutant qu'il s'agissait sans doute d'un Malawite.

Dimanche, un immigré est aussi mort brûlé: ses assaillants l'ont ficelé dans sa couverture avant d'y mettre le feu. L'image de cette torche humaine faisait la "Une" des journaux.

"Tout ça, c'est la faute des Zimbabwéens. Ils faut qu'ils s'en aillent", a lancé une Sud-Africaine déclarant s'appeler Noxolo.

Les violences ont déplacé des milliers d'étrangers, accusés par beaucoup de Sud-Africains de prendre des emplois et d'être responsables de la criminalité.

Des centaines de personnes se sont réfugiées dans les centres sociaux et les postes de police des zones touchées, principalement la partie mal famée du centre-ville et les bidonvilles de l'est.

"La nuit dernière, nous avons accueilli plus de 2.000 personnes", a dit Mxolisi Koom, bénévole au centre civique de Germiston, proche d'un bidonville dans l'East Rand, à environ 40 kilomètres (25 miles) du centre.

Dans le quartier central de Cleveland, où six victimes ont été comptabilisées dimanche matin, "c'est très tendu, il n'y a vraiment rien d'ouvert", a déclaré à l'AFP la porte-parole de la police Cheryl Engelbrecht, précisant qu'au moins 300 personnes s'étaient réfugiées au commissariat.

La majorité des immigrants arrivés en Afrique du Sud ces dernières années sont des Zimbabwéens qui fuient la crise politico-économique de leur pays. Leur nombre est estimé à trois millions.

Le président sud-africain Thabo Mbeki et le chef du parti du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) Jacob Zuma ont condamné ces attaques.

Le Haut commissariat de l' ONU aux réfugiés (HCR) a pour sa part accusé lundi le gouvernement de "ne pas avoir pris convenablement en compte" la question de la xénophobie.

Le prix Nobel de la Paix Desmond Tutu a plaidé pour l'arrêt des violences.

"Je vous en prie arrêtez tout de suite ces violences", a déclaré l'ancien archevêque anglican du Cap. "Ce n'est pas une façon d'agir. Ce sont nos frères et nos soeurs. S'il vous plaît, s'il vous plaît, arrêtez."

Mgr Tutu a rappelé que pendant qu'ils luttaient contre le régime d'apartheid, des combattants sud-africains avaient été accueillis dans les pays voisins: "Nous ne pouvons les remercier en tuant leurs enfants. Nous ne pouvons déshonorer notre lutte par ces actes de violence".